Panos Koutras présente Mouchette

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Mouchette (1967) : Un film punk

Dans ma longue relation avec le cinéma de Robert Bresson (et avec lui aussi, puisque le destin m'a amené à louer un appartement appartenant à sa femme au 11 rue Dauphine au milieu des turbulentes années 80), "Mouchette" occupe une place particulière.

C'est le film de Bresson auquel, en tant qu'adolescent punk à l'époque, je me suis identifié plus qu'à n'importe quel autre.

Celui que j'ai compris profondément sans trop y penser, celui qui m'a fait pleurer sans effort, qui m'a indigné, et m'a fait décider une fois pour toutes que je ferais des films dans ma vie.

"Mouchette" exprimait alors tout ce que nous essayions de dire sans pouvoir le faire parce que nous n'avions pas encore les mots. Adolescents rejetés par les autres, gays sans droits, filles sans voix....

Deuxième film de Robert Bresson tiré d'un roman de Georges Bernanos, après "Journal d'un curé de campagne", "Mouchette" est le portrait d'un tragique passage à l'âge adulte, sous l'emballage d'une parabole biblique punk.

Tout comme les plus grands héros de sa filmographie : le curé dans "Journal d'un curé de Campagne ", Michel dans "Le Pickpocket", Fontaine dans "Un condamné à mort s'est échappé", Jeanne d'Arc dans "Le procès de Jeanne d'Arc", l'âne Balthazar dans "Au hasard Balthazar", Mouchette est seule elle aussi, piégée dans une famille dont elle cherche à s'échapper à tout prix, victime de l'alcoolisme, de la pauvreté et des brimades à l'école de la part des autres filles qui se moquent d'elle à cause de ses sabots trop grands et de ses cheveux ébouriffés. (L'image punk ultime pour l'époque.)

Incarnation d'un "Jésus" de plus qui - sur le chemin de son sacrifice universel et de sa "grâce" - porte sur son corps d'adolescente le poids du monde entier, Mouchette deviendra fille, mère et amante de la manière la plus violente, odieuse, abusive, prisonnière d'une société patriarcale, une enfant perdue qui n'aura jamais le temps de devenir femme. Sa "vengeance" n'aura pas lieu en termes conventionnels, mais comme un véritable acte sorti du grand livre punk : avec l'insolence et le mépris de la jeunesse, avec sa colère face à la vie dans une attitude "seule contre tous", avec l'innocence désarmante qu'implique finalement l'acceptation de la mort.

"Tu n'as pas à courir après la poésie. Elle parvient à se glisser à travers les fissures", écrira Robert Bresson dans ses précieuses "Notes sur le cinéma" publiées en 1975.